« Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ?

– Sois le pasteur de mes brebis »

Ce dimanche, à trois reprises, Jésus pose cette question à Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » Et lui répond par trois fois : « Oui, Seigneur, toi, tu le sais ; je t’aime. » (Jn 21, 15). Et Jésus d’enchaîner : « Sois le pasteur de mes brebis. » Dans le quatrième évangile, c’est maintenant que saint Pierre est institué comme chef, prédécesseur de tous les papes de l’histoire. Mais il n’est pas un chef comme les autres, il est un pasteur ! Nous l’avons entendu au soir du Vendredi Saint, à l’office de la Passion : les chefs mondains ont des gardes pour les défendre à la manière du monde (Jn 18, 36) et ils peuvent faire sentir leur pouvoir (Lc 22, 25). Au contraire, Pierre est invité à être comme Jésus, et en Jean, Jésus est le pasteur (Jn 10, 11). Le propre du pasteur, c’est de conduire ses brebis dans un gras pâturage (Ps 22, 2), là où elles pourront avoir la vie en abondance (Jn 10, 10), y compris au prix de sa propre vie, comme Jésus. À l’heure où l’Église attend un pape, l’évangile de ce dimanche nous en donne un portrait vraiment grand : c’est l’homme qui, comme Jésus-Christ, conduira toute l’humanité à la vie véritable.

Cette mission, qui dépasse toute mesure humaine, a une condition, non pas un cahier des charges ou une fiche de poste dont nos cabinets de recrutement sont spécialistes, mais la réponse à une question : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment ? » La question n’est pas : « Es-tu parfait ? » Saint Pierre est celui qui, par trois fois, a renié le Christ lors de la Passion (Jn 18, 17-27). Elle n’est pas non plus : « As-tu les compétences ? » Saint Pierre, dans la nuit qui précède cette rencontre, a été incapable de pécher le moindre poisson (Jn 21, 3). Elle n’est pas davantage : « As-tu compris dans quel monde tu vis ? » Saint Pierre est celui qui accepte de se laisser déposséder de tout, pour le Christ (Jn 21, 18). Saint Pierre aime Jésus parce qu’il accepte d’être aimé par Lui, parce qu’il Lui obéit et parce qu’il se laisse façonner par Lui. D’une certaine manière, c’est cela le portrait toujours valable du successeur de Pierre.

En ces jours où l’Église attend l’ouverture du conclave et l’élection d’un nouveau pape, à nous de saisir la portée spirituelle de cette mission – autrement, l’Église risquerait bien d’être réduite à la politique humaine (le jeu ou l’équilibre des pouvoirs, la victoire d’un camp sur un autre, ou pire, la manipulation des opinions, etc.). Ce pourrait même être une belle prière du peuple chrétien à l’intention des cardinaux que de lire, relire, méditer, intérioriser cette page d’évangile. Le reste est abandon… notre curé sera à Rome dans ces jours-ci, peut-être sera-t-il élu. Cela appartient aux cardinaux, puis, quoi qu’il arrive, le Seigneur embellit toutes les décisions humaines !

P. Philippe Saudraix